REPORTAGE - Entre froid glacial et parquet effondré, le contrôle à risques d’un ancien site horloger à Charquemont

Octobre 2025

En novembre 2021, les experts en radioprotection viennent pour deux semaines contrôler l’assainissement radiologique des 4 600 m² d’un ancien site horloger à Charquemont, dans le Doubs. Un chantier hors-norme, tant par son ampleur et sa durée que par les conditions éprouvantes de travail.

Le site industriel Arkema de Serquigny (Eure), expertisé par l’ASNR, présente des contaminations radioactives localisées dont les niveaux sont compatibles avec les usages du site, mais qu’il convient de surveiller et de garder en mémoire.

Il fait froid, ce 22 novembre 2021, dans le Doubs. Le thermomètre tutoie les 3°C. Une équipe d’intervention radiologique1 se gare sur l’ancien site horloger de Charquemont.
Situés en zone urbaine, les bâtiments ont abrité au 20e siècle des entreprises utilisant de la peinture radioluminescente. Après la fermeture du site, des contaminations en radium et tritium y ont été mesurées en 2002. L’Andra2 coordonne à partir de 2015 les différentes phases de la réhabilitation du site : diagnostics, assainissements successifs, désamiantage. Elle entreprend une décontamination radiologique entre mai 2019 et décembre 2021. Saisis par la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), sept experts viennent vérifier que cet assainissement respecte les objectifs de la préfecture. Ils prennent possession des lieux pour deux séjours de cinq jours. Ce ne sera pas de trop pour contrôler 4600 m², 59 pièces, réparties sur 5 niveaux.

Contaminamètres, radiamètres et masques

Dans ce vaste lieu de 4 600 mètres carrés, comprenant 59 pièces sur 5 niveaux, la première journée est consacrée à installer la « base vie » où l’équipe stocke le matériel et se regroupe.

La première journée est consacrée à installer la « base-vie », où ils pourront stocker leur matériel et se regrouper. Un maillage a été réalisé dans chaque pièce, sur le sol et les murs, matérialisé par des marques de peinture qui découpent les surfaces en cellules d’un mètre carré. L’équipe a défini les mailles qu’elle voulait contrôler. Les experts mesurent le rayonnement émis, distinguent la radioactivité fixée de celle qui pourrait se disperser et être inhalée.
La concentration en radon 222 est mesurée dans chaque pièce. « Cela nous permet d’évaluer l’équipement de protection nécessaire, qui va du simple masque FFP2 au masque à cartouche », explique Elise Crosland, qui dirige l’opération. L’équipe dispose de contaminamètres, qui mesurent la présence d’émetteurs alpha et bêta, et de radiamètres qui déterminent l’irradiation totale reçue. Chacun, en revanche, se protège du froid comme il peut. « Le froid est une épreuve pour nous, mais aussi pour les appareils, dont il faut changer plus souvent les batteries », poursuit l’experte.

Des planchers vétustes

Après avoir découpé chaque pièce en cellules régulières matérialisées par des marques de peinture noire, les experts mesurent la contamination dans certaines mailles. Le contaminamètre, en jaune, mesure la présence d’émetteurs alpha et bêta.

La base vie est isolée du reste du bâtiment par des bâches, pour limiter une dispersion potentielle de particules radioactives. Le danger majeur pour les contrôleurs ne vient pourtant pas de cette contamination mais... des trous dans le plancher, qui laissent les poutres apparentes. « C’était un chantier hors-norme par l’ampleur des contrôles. Il est rare de programmer une intervention de deux semaines pour un contrôle de « second niveau », et encore plus sur des planchers qui menacent de s’effondrer », retient la chargée d’affaire. 
Ce contrôle révélera que le site n’a pas été totalement assaini, 17 mailles présentant une contamination labile – susceptible d’être remise en suspension - supérieure aux critères. « C’est une particularité de plus. Nous ne nous attendions pas à trouver autant de contamination résiduelle », relève Elise Crosland. L’assainissement se poursuit donc, suivi d’un chantier de démolition qui s’achève en novembre 2024.

Des bâches en vinyle, disposées autour des lieux potentiellement contaminés, empêchent la dispersion d’éventuelles poussières radioactives. Cette radioactivité résiduelle oblige le port d’une combinaison, voire d’un masque à cartouche.
Le contrôle effectué dans le dédale de pièces que constitue le site révèle finalement une contamination résiduelle supérieure aux normes dans 17 mailles. L’assainissement doit donc se poursuivre.

1 : Il s’agit d’une équipe d’intervention radiologique de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), qui a fusionné en janvier 2025 avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour créer l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ARSN). 

2 : Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs. 

Reportage photo : © ASNR/PSE-ENV/SIRSE


Pour en savoir plus

AVIS IRSN N° 2022-00072 : Contrôles radiologiques de second niveau sur un ancien site horloger à Charquemont (25)
https://www.irsn.fr/sites/default/files/documents/expertise/avis/2022/Avis-IRSN-2022-00072.pdf

Compte-rendu de la Dreal Bourgogne-Franche-Comté :
https://www.bourgogne-franche-comte.developpement-durable.gouv.fr/demolition-d-un-ancien-site-horloger-apres-a10928.html#H_Depuis-2012-assainissement-du-site-et-demolition-des-batiments