Modélisation de la distribution électrique des centrales : un comparatif international est effectué
Avec son réseau de câbles, ses disjoncteurs, et ses transformateurs, la distribution électrique irrigue toute la centrale nucléaire. Un accident survient, et c’est elle qui, à partir des lignes électriques externes ou des diesels de secours, alimente les moteurs des pompes qui vont refroidir le réacteur. Alimenter ces moteurs avec des caractéristiques électriques spécifiques est alors essentiel pour la sûreté.
Pour s’en assurer la simulation dynamique des réseaux électriques des centrales est de plus en plus utilisée. Mais jusqu’à présent aucune comparaison des pratiques entre pays n’avait été effectuée.
C’est désormais chose faite grâce au premier benchmark international organisé dans le cadre du groupe de travail WGELEC1 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et animé par l’IRSN. Sur la base de données réelles fournies par EDF, huit participants, représentants de sept pays, ont modélisé chacun le même réseau électrique simplifié et simulé les mêmes transitoires électriques. Les échanges techniques sur le processus de modélisation ou la comparaison des résultats ont permis de partager les difficultés et les bonnes pratiques. Par exemple, comment modéliser fidèlement un moteur ou construire un modèle d’ensemble en le validant pas à pas…
1. La mission principale du groupe de travail sur la sûreté des systèmes électriques (WGELEC) est d’aborder les questions de sûreté des systèmes électriques des installations nucléaires.
Pour en savoir plus
Le précédent rapport : Nuclear Energy Agency (NEA) - Comparison of Methodologies for the Simulation of Electrical Systems in Nuclear Power Plants: Working Group on Electrical Power Systems Activity 3 Report (oecd-nea.org)
Centrales ukrainiennes : l’IRSN contribue à l’amélioration de la sûreté
Remplacement de disjoncteurs électriques, refroidissement de la piscine de combustibles en situation ultime par des pompes mobiles, dépressurisation forcée de l’enceinte de confinement en cas de fusion du cœur : voilà trois exemples de mesures d’améliorations qui vont être mises en place au niveau des centrales nucléaires en Ukraine.
Dans ce pays, à l’issue des premières évaluations de sûreté conduites au sein de l’AIEA ou par l'intermédiaire de projets de support financés par la commission européenne, un programme de modernisation des centrales est décidé. Il est progressivement mis en place sur les quinze réacteurs en exploitation.
Depuis une vingtaine d’années, l’IRSN et son homologue allemand GRS1 participent à l’examen de ces mesures dans le cadre de contrats d’assistance financés par la Commission européenne. À l’automne 2023, un rapport – destiné à la DG INTPA2 – présente l’évaluation de trente-six d’entre elles, sélectionnées en raison de leur importance pour la sûreté. Une demi-douzaine d’experts IRSN contribuent à son élaboration. Cinq inspections sur sites sont menées – avec l’autorité3 et l’expert technique ukrainiens4 – pour suivre et vérifier la mise en œuvre de ces mesures.
Depuis le développement de la coopération internationale à la sûreté nucléaire en Europe de l’Est, au début des années 1990, l’IRSN joue un rôle majeur dans l’aide apportée aux organismes de sûreté des pays de cette région.
Contact : jean-luc.chambon@irsn.fr; vassili.orzov@irsn.fr
1. GRS, Gesellschaft für Anlagen- und Reaktorsicherheit
2. DG INTPA : Direction générale du développement et de la coopération à la Commission européenne
3. Autorité de sûreté nucléaire ukrainienne : State Nuclear Regulatory Inspectorate of Ukraine (SNRIU)
4. Centre scientifique et technique d’État pour la sûreté nucléaire et radiologique – State Scientific and Technical Center for Nuclear and Radiation Safety (SSTC NRS)
Chargement en combustible de l’EPR de Flamanville : quels enseignements tirés des incidents survenus sur les EPR chinois ?
Corrosion des gaines contenant du combustible, usure d’éléments de maintien des grilles des assemblages… à la suite d’anomalies observées sur les EPR chinois, des dispositions sont prises par EDF pour l’EPR de Flamanville 3 (Manche). Un dialogue technique s’engage entre l’industriel, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et des experts de l’IRSN en combustible et thermohydraulique pour faire un retour d’expérience et en tirer les conséquences en vue du premier chargement du cœur de cette installation.
Le retour d’expérience du premier EPR mis en service dans le monde (Taishan 1, en Chine) met en évidence des anomalies relatives au combustible. Lors du premier cycle de fonctionnement de ce réacteur, des fluctuations localisées de puissance dans le cœur1&3 sont détectées : elles sont dues à des mouvements latéraux des assemblages de combustible, engendrés par des fluctuations de vitesse d’écoulement de l’eau dans la cuve, elles-mêmes dues au retournement brutal du sens d’écoulement de l’eau au fond de la cuve (voir infographie). Ces mouvements usent des parties extérieures des grilles de maintien des assemblages en périphérie du cœur. En juillet 2021, le deuxième cycle de fonctionnement du réacteur est interrompu à la suite d’une montée de la radioactivité dans le circuit primaire consécutive à des percements de gaines de crayons de combustible. Ces percements sont la conséquence de ruptures – par corrosion sous contrainte – de ressorts de maintien des grilles des assemblages2, essentiellement pour des assemblages ayant été irradiés en périphérie du cœur. Une corrosion excessive des gaines de combustible en alliage M55 est par ailleurs observée en partie haute des crayons2&4.
Un dialogue technique s’engage pour tirer les enseignements pour le premier chargement du cœur de l’EPR de Flamanville 3 (FLA3). EDF adapte les seuils de déclenchement des alarmes et de l’arrêt automatique du réacteur aux fluctuations de puissance attendues et reprend la démonstration de sûreté en conséquence. L’IRSN considère que la démarche1 est techniquement adaptée, tout en soulignant qu’il faudra vérifier in situ le comportement réel du cœur de Flamanville3.
L’industriel engage le remplacement des soixante-quatre assemblages prévus pour être chargés en périphérie du cœur de FLA3 par des assemblages avec des grilles ayant subi un traitement thermique améliorant leur résistance à la corrosion sous contrainte : ce remplacement est une réponse pertinente au problème identifié2. Pour la corrosion excessive de l’alliage M55, phénomène connu et analysé par l’IRSN sur le parc4, I’Institut conclut au caractère satisfaisant, d’un point de vue technique, des dispositions retenues par EDF pour Flamanville4.
Les fluctuations de puissance observées à Taishan étant la conséquence de phénomènes hydrauliques en cuve, l’IRSN recommande, dès juillet 20221 qu’EDF définisse et mette en œuvre, « aussi rapidement que le permet son processus de qualification, une modification matérielle permettant d’optimiser l’hydraulique dans […] la cuve ». L’industriel prépare l’ajout dans le fond de la cuve d’un dispositif supplémentaire de stabilisation de l’écoulement, solution qui sera mise en œuvre après le démarrage de l’EPR de Flamanville.
1. Avis IRSN N°2022-00154 du 21 juillet 2022 Avis-IRSN-2022-00154.pdf
2. Avis IRSN N°2023-00010 du 19 janvier 2023 Avis IRSN 2023-00010 - EPR - Prise en compte pour l’EPR FA 3
3. Avis IRSN N°2023-00112 du 17 juillet 2023 Avis-IRSN-2023-00112.pdf
4. Avis IRSN N°2023-00151 du 13 octobre 2023 Avis-IRSN-2023-00151.pdf
5. Avis IRSN N°2021-00151 du 6 août 2021 Avis-IRSN-2021-00151.pdf
6. L’alliage M5 est composé de zirconium, de niobium, d’oxygène et de fer
INFOGRAPHIE - Anomalies détectées dans le réacteur de l’EPR chinois : de quoi s’agit-il ?
Le percement de gaines de crayons de combustible conduit à l’arrêt en 2023 du réacteur EPR numéro 1 de Taishan, en Chine.