Radiologie industrielle : la radioprotection au cœur d’une aciérie

Le contrôle radiologique garantit la qualité des pièces en acier de haute technicité. Le radioprotectionniste met en place des mesures de sûreté et de radioprotection : surveillance des accès, sécurisation des zones, dosimétrie... Visite aux aciéries de Saint-Dizier (Haute Marne).

Après le retrait des moules en sable, les pièces en acier sont finalisées une à une, puis contrôlées. Cette pièce présentait un défaut. Après meulage, ce soudeur termine la réparation.

Aux aciéries Hachette et Driout, lorsqu’au petit matin le métal en fusion cesse de couler dans les moules en sable, c’est aux équipes de traitement thermique, de parachèvement et de contrôle d’entrer en surchauffe : à elles de transformer les objets coulés en pièces finies. En leur sein, trois hommes garantissent, à l’aide des rayons X et gamma, la conformité des pièces dont les fonctions seront critiques lorsqu’elles prendront place dans des centrales nucléaires, des barrages hydro-électriques, des trains…
Ces contrôles radiologiques exigent des conditions de radioprotection strictes. Dans l’aciérie bragarde, c’est Jérôme Dervogne, titulaire d’un Camari* de radioprotection – renouvelé tous les cinq ans à l’IRSN – qui en a la responsabilité depuis 1999.

2,5 mètres de béton

Mais pour commencer, il faut que « la chrysalide » devienne « papillon ». Sous le toit vertigineux d’un des hangars de l’usine de Saint-Dizier datant de 1864, des gerbes d’étincelles jaillissent des ateliers. Soudeurs et meuleurs s’activent en tenue de protection pour faire naître des pièces pesant de 100 kilogrammes à 10 tonnes. Pour savoir si elles sont conformes aux besoins, les vérifications non destructives de leurs propriétés physiques se succèdent. Le contrôle radiologique en fait partie.
L’aciérie dispose de deux équipements complémentaires de radio-contrôle : le gammagraphe et l’accélérateur linéaire de 1-3 MeV. Elle peut ainsi contrôler les pièces dont l’épaisseur est comprise entre 2 et 24 centimètres. Cet avantage double cependant ses obligations en radioprotection. Deux locaux sont dédiés aux contrôles radiologiques. Ces casemates entourées de murs de 1 à 2,5 mètres de béton, premiers remparts contre les rayonnements, sont sécurisées contre la malveillance. Un zonage radiologique, basé sur des relevés dosimétriques réguliers effectués par Jérôme Dervogne autour des bâtiments, complète les mesures de protection.
« Seuls les radio-contrôleurs accèdent aux casemates, explique-t-il. En veillant à la traçabilité, nous installons les pièces à vérifier, assurons les tirs, puis analysons le contrôle. Nous sommes équipés de dosimètres passifs et opérationnels et de radiamètres portatifs. » Depuis 2018, il est aussi la personne en charge de la radioprotection (PCR) du site. À ce titre, il supervise la sécurisation des casemates et forme son équipe.
« Jusqu’à 300 pièces sont examinées chaque année par radiologie. Les défauts sont réparés, puis l’objet recontrôlé », indique le directeur qualité Rémy Tintillier. Malgré des milliers de tirs de contrôle effectués chaque année – une pièce fait l'objet de plusieurs radiographies, jusqu’à 100 tirs pour les plus exigeantes – Jérôme Dervogne conclut : « Nos relevés de dosimètres reviennent toujours vierges ou montrent des doses infimes, largement en-deçà des seuils définis. »

* Certificat d’aptitude à manipuler les appareils de radiologie industrielle. Il est délivré par l’IRSN.

La sécurisation nécessaire commence par les bâtiments

La casemate de gammagraphie, comme celle de l’accélérateur linéaire, est protégée par une enceinte fermée. L'affichage rappelle les règles d'accès. Jérôme Dervogne, responsable des contrôles radiographiques, et ses collègues contrôleurs sont les seuls à avoir la clé d’accès.


Des tirs sous haute sécurité

Pour confirmer une pièce, le contrôleur la vérifie par gammagraphie. Il procède à plusieurs tirs, radiographiant au fur et à mesure l’ensemble de l’objet ou de la portion d’intérêt. Le tir armé, Jérôme Dervogne quitte la pièce. L’accès est ensuite fermé et la serrure de sécurité verrouillée pour que la commande du tir soit lancée depuis la zone sûre.


Le transport des sources

Les radio-contrôles sont effectués à l’aide d’iridium 192. La source active quatre mois est toujours protégée, soit par l‘instrument de contrôle, soit par le conteneur de transport comportant la signalétique adéquate : colis type B, substance radioactive II. Le respect de ces règles de radioprotection aux aciéries Hachette et Driout a été contrôlé par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en 2019.


Des relevés dosimétriques récurrents

Toute personne extérieure au service radiographie accédant aux casemates de radio-contrôle est répertoriée. Lorsqu’il s’y rend, le directeur qualité Rémy Tintillier (à gauche) est équipé d’un dosimètre opérationnel non nominatif. À sa sortie, il émarge et relève le dosimètre opérationnel, ensuite remis à zéro sous le regard de Jérôme Dervogne (à droite). Par mesure de radioprotection, ce dernier mesure régulièrement les débits de dose autour de la casemate.


Des mesures après chaque tir

Un tir de contrôle avec l’accélérateur linéaire vient d’être effectué. Avant d’accéder à la salle dédiée, les radio-contrôleurs Jérôme Dervogne (à gauche) et Ilian Chamarande (à droite), équipés de dosimètres passifs, mesurent l'éventuel taux de radioactivité à l’aide d’un radiamètre portatif.


Article publié en juillet 2020