Portiques de détection de radioactivité : quelles bonnes pratiques en cas de déclenchement ?

Avril 2025

Centres d’incinération, de stockage de déchets, de récupération de ferrailles et de recyclage de métaux ou encore zones portuaires et aéroportuaires… Depuis 2018, tous ces sites doivent être équipés de moyens de détection de la radioactivité. Pourquoi ? Comment agir quand ces installations se déclenchent ? Comment l’exploitant du site, les pompiers et les experts de l’IRSN se coordonnent-ils pour évaluer le risque et prendre les meilleures décisions en matière de radioprotection ? Explications.

Les centres de récupération de ferrailles font partie des sites qui doivent être équipés de moyens de détection de la radioactivité. - © Photo : Nicolas Brisson / Laboratoire : SIRSÉ/Ler-Nord

TEMOIGNAGE – Xavier Bressand : « La protection des personnes et de l’environnement est notre priorité »

Xavier Bressand, commandant de sapeurs-pompiers et référent départemental en risque radiologique au sein du Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) 77 - © Collection privée

« Lorsqu’un portique de détection de radioactivité se déclenche, les pompiers des Services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) peuvent être mobilisés. Dans une soixantaine de départements, ces services possèdent une cellule mobile d’intervention radiologique (CMIR) composée de pompiers formés spécifiquement au risque radiologique.

Au sein des CMIR notre mission est d’évaluer la situation, de sécuriser la zone et de protéger les personnes et l’environnement. Nos équipiers ont suivi des formations en radioprotection avec différents niveaux de qualification, allant du niveau RAD 1 (risque radiologique de niveau 1), qui correspond à six jours de formation initiale, jusqu’au niveau RAD 4 pour les conseillers techniques. Ils coordonnent les actions sur le terrain et le conseil aux autorités préfectorales. Cette expertise est souvent complétée par celle de l’ASNR, avec qui nous collaborons régulièrement. 

Pour illustrer nos interventions, nous avons récemment été sollicités par un centre de récupération de métaux. Le portique de détection s’est déclenché à l’arrivée d’un chargement de ferraille. Après investigation, nous avons découvert l’emballage d’un gammagraphe, un appareil utilisé pour la radiographie industrielle. Une découverte surprenante dans la mesure où ces dispositifs, constitués souvent d’uranium appauvri, font l’objet d’un suivi rigoureux. Nous avons immédiatement mis l’objet en sécurité en le stockant dans un local sur site, afin d’éviter tout risque d’exposition du personnel. Il a ensuite été récupéré par l’Andra pour être éliminé dans la bonne filière. Dans ce type de situations complexes, les experts d’astreinte de l’IRSN nous conseillent sur la méthodologie à suivre pour assurer la radioprotection comme sur les appareils les mieux adaptés pour mesurer la radioactivité. Il est possible de bénéficier d’une assistance dans l’analyse des résultats de spectrométrie afin de déterminer avec exactitude le risque radiologique. »


INFOGRAPHIE – Déchetterie et radioactivité : comment réagir en cas de déclenchement de portique ?

Un portique de détection de la radioactivité est installé à l’entrée d’une déchetterie pour filtrer le passage des camions-bennes. Lorsqu’il se déclenche, l’exploitant doit mettre en place une procédure stricte. Elle évite tout risque d’irradiation ou de contamination des travailleurs sur site ou à l’extérieur.

© T. Cayatte/Agence Ody.C/Médiathèque ASNR/Magazine Repères

AVIS D’EXPERT – Damien Verger : « Une expertise scientifique et opérationnelle 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 »

Damien Verger, ingénieur en radioprotection et membre de l’équipe d’astreinte en radioprotection opérationnelle, notamment en cas de déclenchement de portique. - © Philippe Dureuil/Médiathèque ASNR

« Dans un cas sur deux, le déclenchement des portiques est dû à des déchets médicaux comme des couches, mais aussi à des déchets naturellement radioactifs comme certains types de briques ou de plaques de placo. Dans des cas plus problématiques de radioactivité non naturelle – objets au radium, jauges de niveau, etc. – les pompiers ou les sociétés de radioprotection mandatés par l’exploitant peuvent solliciter notre équipe d’astreinte, joignable 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Nous sommes quatre experts en radioprotection opérationnelle, en mesures nucléaires et en réglementation liée aux déchets radioactifs. Si la situation l’exige, nous pouvons nous déplacer dans toute la France. Nous disposons de radiamètres, spectromètres gamma, etc. En pratique, nous les aidons à interpréter leurs mesures pour mieux évaluer le risque et nous les conseillons sur les bons gestes à adopter en conséquence. Pour maintenir nos compétences, nous effectuons des ateliers hebdomadaires de maintien opérationnel sur des sources radioactives, participons à des interventions sur le terrain et prenons part à plusieurs exercices nationaux de gestion de crise dans l’année. »


CHIFFRES CLÉS

  • 99 %

    des déclenchements de portiques sont dus à la présence de déchets, qu’il s’agisse de déchets ménagers, de déchets industriels banals (DIB) ou de déchets industriels spéciaux (DIS).

  • 90

    c’est le nombre de déclenchements recensés en 2023 par le Syctom, l’organisme qui gère les déchets ménagers des 85 communes de l’agglomération parisienne. Ils sont dus, en majorité, à des patients suivis en médecine nucléaire qui, à leur retour à domicile, ont jeté des couches, alèses ou flacons contenant de l’urine radioactive. 

(Source : Bureau d’analyse et de suivi des expositions professionnelles de l’ASNR)

ÉVÉNEMENTS MARQUANTS

Incident de Trith-Saint-Léger (Nord) : Le 22 octobre 2021, une valeur inhabituelle de radioactivité a été détectée dans le système de traitement des poussières de l’aciérie de la société LME à Trith-Saint-Léger, puis dans une benne transportant les résidus issus des opérations de fonte. Le contrôle du personnel et les prélèvements effectués par l’IRSN permettent de conclure à l’absence de contamination des personnes et de l’environnement.

À la suite d'un incident radioactif en 2021, le personnel de LME (Lamines Marchands Européens), qui a été testé par l’IRSN, s’avère n’avoir pas été contaminé. - © Pierre Rouanet/ PhotoPQR/Voix Du Nord/MAXPPP

Déclenchement du portique au centre de tri d’Alfortville (Val-de-Marne) dû à la présence d’un lot d’aiguilles au radium : https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/activites-medicales/avis-d-incident-domaine-medical/declenchement-de-portique-au-passage-fortuit-d-un-lot-de-sources-radioactives

Incident à la Réunion : En 2013, un déclenchement de portique dans un centre de traitement de valorisation des déchets a donné lieu à la caractérisation d’un déchet radioactif, sa mise en sécurité, son enlèvement et son transport jusqu’en France métropolitaine. Retrouvez la procédure en infographie, publiée dans le magazine Repères n° 20.


INFOGRAPHIE – Du déclenchement de l'alarme à la récupération d'un objet radioactif

À la Réunion, l'évacuation de l'objet radioactif du centre de traitement et de valorisation de déchets (CTVD) a fait l'objet d'une procédure rigoureuse. Le processus de récupération en cinq étapes. 

© Hervé Bouilly/IRSN - Source: IRSN

INFORMATIONS PRATIQUES

Centres d’enfouissement de déchets, incinérateurs, fonderies, ou aciéries… Chaque exploitation possède des procédures qui lui sont propres en cas de déclenchement d’un portique. Ce guide détaille chaque méthodologie. Attention toutefois, les adresses et numéros utiles indiqués ne sont plus à jour. https://www.irsn.fr/rapport-dexpertise/guide-sur-la-methodologie-suivre-en-cas-de-declenchement-dun-portique-de 

L’exploitant doit déclarer tout incident dans les deux jours ouvrés suivant la détection de l’événement. La procédure et les documents à compléter sont disponibles sur le site de l’ASN : Guide de l’ASN n°11 - 03/09/2021 - ASN). 

Fiche pratique de l’INRS relative aux précautions à prendre en cas de déclenchement d’un portique de détection : https://www.inrs.fr/dms/inrs/CataloguePapier/ED/TI-ED-4448/ed4448.pdf 

Le site de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs : www.andra.fr 

Le lien vers l’arrêté du 15 février 2016 relatif aux installations de stockage de déchets non dangereux. Les articles 16, 31, 56 à 62 rappellent les obligations réglementaires des exploitants dotés d’un portique de détection de la radioactivité. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000032275960 

Les articles R. 1333-102 et D. 1333-103 du décret n° 2018-434 du 4 juin 2018 rappelle quels types de sites ont l’obligation de se munir de moyens de détection de sources radioactives et de procédures adaptées. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000036984723 

Le classement Ines, établi par l’ASN, permet de catégoriser les incidents sur une échelle allant de 0 à 7. La plupart des incidents relevés à la suite de la détection d’un portique sont de niveau 1 (anomalies), comme l’élimination de déchets de médecine nucléaire dont le temps de décroissance radioactive n’a pas été respecté dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/activites-medicales/avis-d-incident-domaine-medical/elimination-non-conforme-de-dechets-contamines-par-des-radionucleides


CONTACTS

  • Nicolas Brisson, adjoint au chef du Laboratoire d’expertise et d’intervention en radioprotection Nord (LER-N) nicolas.brisson@asnr.fr
    01 58 35 87 24
    06 08 76 55 32

  • Cellule mobile d’intervention radiologique (CMIR) des pompiers
    112 ou 18