Lionel Saey
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Centrales nucléaires : quelle exposition ajoutée pour les riverains
Juillet 2022
L’impact d’une centrale nucléaire sur les populations est aujourd’hui mieux connu. Cet impact est estimé lors d’une étude radiologique de site menée en Isère, aux abords de la centrale de Saint-Alban Saint-Maurice l’Exil. La dose efficace ajoutée pour un riverain se situe au-dessous du seuil réglementaire.

TEMOIGNAGE – Cyrielle Paulino : « Je m’interroge davantage sur le fonctionnement de la centrale »

« J’exerce depuis cinq ans une activité de maraîchage à quelques kilomètres en aval de la centrale de Saint-Alban (Isère). Mon exploitation de cinq hectares certifiée bio produit des fruits et des légumes de saison. En tant qu’agricultrice, depuis longtemps je suis plus préoccupée par la pollution atmosphérique des nombreuses usines chimiques installées le long de la vallée du Rhône, que par les rejets de la centrale. En octobre 2019, je donne mon accord aux experts pour la mesure de la radioactivité de mes productions végétales. En effet, je suis curieuse de savoir ce qu’il en est. Des techniciens collectent plusieurs fois des échantillons de légumes racines – navets, carottes... – et de salades sur l’exploitation. J’accepte aussi les analyses de l’eau du puits, car elle sert à irriguer les cultures et à la consommation familiale.
Quel impact sur l’environnement ?
Six mois après la fin des prélèvements, en avril 2021, le responsable de l’étude nous présente les résultats en personne. Les niveaux de radioactivité mesurés dans nos légumes et dans l’eau se situent très largement en dessous des seuils d’alerte. L’IRSN étant censé être un organisme de contrôle impartial, je lui fais confiance. Depuis la réalisation de l’étude, je me pose davantage de questions sur le fonctionnement de la centrale, son possible impact sur l’environnement et la santé des personnes qui, comme moi, habitent à proximité. »
INFOGRAPHIE – Quelles sont les étapes d’une étude radiologique de site ?
Une étude radiologique de site (ERS) évalue l’exposition ajoutée pour la population vivant près d’un site nucléaire sur la base de mesures de la radioactivité dans l’environnement et d’informations sur le mode de vie des habitants*.
Exemple d’ERS menée près de la centrale de Saint-Alban (Isère).
AVIS D’EXPERT – Lionel Saey : « Le soutien des acteurs locaux est capital »

« Dès le lancement de l’étude radiologique de site (ERS) à Saint-Alban (Isère) en 2019, les experts bénéficient de l’implication de nombreux acteurs locaux. La Commission locale d’information (Cli) demande à être informée de l’avancement de l’étude et met en place un groupe de suivi composé de volontaires. Les maires des communes concernées font le relais entre leurs administrés ; l’Institut et les élus locaux aident à sélectionner les exploitations agricoles où sont prélevées les denrées pour la mesure de la radioactivité. Sans ce soutien, nous n’aurions pas pu convaincre les deux-cent-soixante-quinze personnes – un échantillon de la population vivant dans un rayon de 10 km autour de la centrale – de participer aux enquêtes sur le mode de vie et les habitudes alimentaires. Celles-ci sont indispensables pour établir des scénarios plus réalistes d’exposition. Le résultat est là : l’ERS bénéficie d’une approche scientifique, qui répond aux attentes des citoyens. C’est par exemple à leur demande qu’en mai 2021 l’analyse des plateaux repas est réalisée pour trois cantines scolaires qui privilégient les productions locales. »
INFORMATIONS PRATIQUES
Cartographie
L’étude radiologique comporte des mesures de l’activité du tritium dans l’air. Des piégeurs passifs – composés d’un tamis moléculaire – collectent en continu la vapeur d’eau atmosphérique. De janvier à octobre 2019, quinze piégeurs passifs installés de 1 à 10 km de la centrale recueillent 195 échantillons. L’activité moyenne maximale de 0,04 Bq/m3 est mesurée à 1 km au nord et au sud du site. Au-delà, elle rejoint rapidement celle du bruit de fond d’air d’environ 0,01 Bq/m3.
Étude nappe phréatique
Une campagne d’analyses se focalise sur la recherche du tritium, le radionucléide constituant l’essentiel des rejets liquides d'une centrale. Les prélèvements sont réalisés sur des points de captage d’eau potable et des puits utilisés pour irriguer les cultures, 10 km autour de la centrale. Les moyens de mesure de l’IRSN mettent en évidence des teneurs entre 0,15 et 4,5 Bq/L sur 139 prélèvements réalisés en une année, affinant ainsi les résultats de l’Agence régionale de santé (< 10 Bq/L).
D’autres sites investigués
• Une seconde ERS est lancée en 2021 près de l’usine de purification de l’uranium d’Orano Malvési, dans l’Aude. Des prélèvements sont réalisés dans l’environnement. Principaux radionucléides recherchés : l’uranium et ses descendants.
• Une ancienne mine d’uranium fera l’objet d’une ERS à partir de 2022. Le site reste à déterminer. Il devra disposer d’une zone de stockage de résidus de traitement du minerai. L’ERS s’intéressera à l’uranium 238 et au thorium 232 ainsi qu’à leurs descendants respectifs.
Pour en savoir plus
ERS de la centrale de Saint-Alban Saint-Maurice l’Exil www.irsn.fr/etude-cnpe
Synthèse de l’étude du tritium dans l’environnement à partir de piégeurs passifs www.irsn.fr/synthese-etude